POUR RIYAD ET UN CHANTAGE À
750 MILLIARDS DE DOLLARS.
par Taïké Eilée jeudi 21
avril 2016
Le 11-Septembre
revient subitement sur le devant de la scène médiatique, du moins
outre-Atlantique, des familles de victimes et des politiques n'ayant pas
renoncé à faire toute la lumière sur cette sordide affaire. Mise en cause,
l'Arabie saoudite tremble et menace dans le seul langage qu'elle connaît :
celui des pétrodollars. Du coup, les États-Unis tremblent aussi, et semblent
prêts à se coucher, comme à l'accoutumée, pour une poignée de dollars.
La vérité sacrifiée sur l'autel du dieu Argent. Voyage au bout de la
nuit, l'arrivée à
New York, on s'y croirait... Face à ces âmes mortes, en vente
permanente, des hommes et des femmes se dressent pour que justice soit
faite. Bob Graham leur
a peut-être fait faire un grand pas. De quoi renverser des montagnes ?
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Adel al-Joubeir / Bob Graham |
Le président américain
Barack Obama a entamé mercredi 20 avril ce qui devrait être sa dernière visite
en Arabie saoudite, un allié historique des États-Unis. A Riyad, il s'est
entretenu avec le roi Salman, dans un contexte très tendu. Depuis quelques
jours, en effet, un débat fait
rage autour d'un projet de loi relatif aux attentats du 11
septembre 2001.
Le texte vise à
permettre aux familles de victimes de terrorisme sur le sol américain de
poursuivre en justice des États étrangers, pour des dédommagements. Depuis
1976, la législation américaine donne une immunité juridique aux États
étrangers à l’intérieur du système judiciaire américain. Si donc une
responsabilité de l'Arabie saoudite dans le 11-Septembre était établie, la loi
pourrait permettre aux familles de victimes de poursuivre le royaume pour
réclamer des dédommagements considérables.
Riyad a déjà prévenu
que si cette loi était votée, il prendrait des mesures de représailles
économiques, comme l'annonçait le New York
Times du 15 avril 2016. Lors de sa récente visite à Washington,
le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Joubeir a transmis
personnellement un message royal annonçant que les Saoudiens seraient obligés
de vendre leurs titres du Trésor ainsi que d'autres actifs aux États-Unis d'une
valeur totale de 750 milliards de dollars avant que ces derniers ne
soient gelés par la justice américaine.
Washington et Riyad
ensemble pour étouffer la vérité.
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Barack Obama sur CBS, 18 avril 2016 |
Selon le quotidien
américain, l'administration de Barack Obama fait pression sur le Congrès afin
de bloquer le passage du projet de loi. Le président américain a même déclaré
qu'il apposerait son veto si la loi devait être votée. En effet, ce texte
pourrait exposer à leur tour les États-Unis à des poursuites par des citoyens d'autres
pays, comme l'a expliqué Obama dans une interview à CBS News :
« Si nous
ouvrons la possibilité que des individus aux États-Unis puissent régulièrement
lancer des poursuites contre d'autres gouvernements, alors nous ouvrons
aussi (la possibilité) que les États-Unis soient
continuellement poursuivis par des individus d'autres pays. »
Josh Earnest,
porte-parole du président démocrate, a déclaré à
ce propos : « Je suis certain que les Saoudiens reconnaissent, tout
comme nous, notre intérêt commun à la préservation de la stabilité
du système financier mondial. »
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« Racaille royale » |
Les efforts intenses
déployés par la Maison
Blanche en vue de suspendre la loi ont profondément heurté
les familles des victimes du 11-Septembre, à l'image de Lorie Van Auken, l'une des
fameuses Jersey Girls.
D'après elles, l'administration Obama cherche à les empêcher d'apprendre la
vérité sur le rôle de certains responsables saoudiens dans les attentats. De
quoi mettre littéralement en rage le New York Daily News qui, dans
son édition du dimanche 17
avril, barre sa "Une" d'un titre peu diplomatique —
« Racaille royale » — avec l'image du roi Salmane !
Certains experts
cités par le New York
Times notent que l'ultimatum de l'Arabie saoudite sera
difficile à tenir, dans la mesure où le retrait des actifs pourrait
« paralyser » l'économie du royaume. Cependant, ils estiment que
cette menace témoigne d'une escalade des tensions entre Riyad et Washington.
Trump, Clinton,
Sanders : tous contre Obama
Sur CNN,
le 16 avril, l'ancien sénateur démocrate de Floride Bob Graham a réagi à la
menace saoudienne en disant qu'il était « indigné mais pas étonné ».
Il a ajouté, offensif : « Les Saoudiens savent ce qu'ils ont fait le
11/9, et ils savent que nous savons ce qu'ils ont fait, du moins aux plus hauts
niveaux du gouvernement américain. » Hésitant sur le mot à utiliser, il
parla finalement de « complicité » de l'Arabie saoudite
dans le meurtre de près de 3000 Américains le 11 septembre 2001. Un mot fort,
mais assumé, que releva le journaliste Michael Smerconish. Bob Graham, rappelons-le,
fut co-président de l'enquête du Congrès sur le 11-Septembre, à l'origine
d'un rapport publié
en juillet 2003, mais amputé de 28 pages qui ont été classifiées, et qui se
trouvent aujourd'hui au cœur de tous les débats.
La semaine dernière,
l'ancien sénateur avait annoncé que,
d'ici 60 jours, le président Obama déciderait de la publication de la partie
classifiée du rapport, qui, selon lui, contient des preuves accablantes de
l'implication de l'Arabie saoudite. Il précise néanmoins que ces 28 pages ne
constituent qu'un élément de preuve, qu'il en existe encore bien d'autres.
Parmi les candidats
aux primaires américaines, les favoris ont pris leurs distances avec Barack
Obama. Côté démocrate, l'ancienne secrétaire d'État Hillary Clinton a dit
qu'elle soutenait le
texte. Son adversaire Bernie Sanders a déclaré qu'il
partageait les craintes d'Obama quant aux conséquences d'une telle loi sur les
États-Unis, mais qu'il était important de rechercher une éventuelle implication
saoudienne dans les attentats.
Chez les
républicains, Donald Trump a minimisé la menace de l'Arabie saoudite sur les
ventes d'actifs américains. « C'est bon », a-t-il lancé le 18 avril
lors du Joe Piscopo Show sur une radio
new-yorkaise. « Qu'ils vendent tout. Et nous rachèterons
tout [...] c'est bon. » Il a aussi confié sur Fox News qu'il
y a bien longtemps que les 28 pages classifiées auraient dues être rendues
publiques.
Le 17 février 2016,
lors d'un meeting, Trump avait déjà mis en cause la
responsabilité de l'Arabie saoudite dans les attentats du 11-Septembre, en
faisait précisément allusion aux 28 pages censurées. Ses propos lui avaient
alors valu d'être qualifié de « théoricien du complot » par Le Point.
Des médias à la
traîne, sous anesthésie générale
Cette histoire des
28 pages classifiées du rapport du Congrès est un serpent de
mer, qui revient régulièrement dans l'actualité depuis environ deux
ans, après un long silence médiatique. Nous l'avions, pour notre part,
évoquée sur AgoraVox dès
2007, avant de demander leurs avis autorisés, d'abord à l'expert en
renseignement Éric Denécé
en 2009, puis au journaliste d'investigation Fabrizio
Calvi en 2011.
Le premier n'avait
pas jugé l'implication du gouvernement saoudien plausible :
« Qu’il y ait
eu des liens très étroits, avant le 11-Septembre, entre les Pakistanais et
Al-Qaïda, entre l’Arabie Saoudite et Al-Qaïda, par différents moyens, c’est une
réalité. Maintenant, jamais ni les Saoudiens ni les Pakistanais, les membres du
gouvernement, n’auraient donné leur feu vert à un attentat de cette ampleur aux
États-Unis. »
Le second, qui avait
enquêté spécifiquement sur les questions brûlantes soulevées par Bob Graham,
tout en reconnaissant de nombreuses coïncidences troublantes, avait tenu à
rester prudent :
« Il me semble
qu'il est vraisemblable que la CIA
avait engagé une opération de contrôle, de surveillance et peut-être
d'infiltration d'Al Qaïda, autour de ces deux pirates de l'air [Nawaf Al-Hazmi
et Khalid Al Mihdhar], que c'est pour ça qu'elle n'a pas voulu en informer le
FBI [...].
Quand ils arrivent
aux États-Unis à Los Angeles, ils sont pris en charge par un agent
secret saoudien. Les Saoudiens savent que ce sont des terroristes, le prince
Turki, qui était le responsable des services secrets, dit avoir informé les
Américains de leur existence et du fait que c'était des terroristes. [...]
Ensuite ils déménagent et il y en a un des deux qui va vivre chez un curieux
professeur universitaire, qui est à ses heures informateur du FBI, qui est
lié à un ancien trafiquant d'armes proche du Chah d’Iran, enfin bref, c'est un
personnage assez bizarre, assez mystérieux.
Et puis autour
d'eux, il y a d'autres personnages qui vont et qui viennent, et qui donnent
l'impression qu'ils sont contrôlés. Par exemple, à San Diego, ils vont
dans une mosquée où il y a un imam intégriste, très intégriste, qui opère, et
quand l'un des deux pirates va déménager et aller sur la côte Est, à Falls
Church, de l'autre côté des États-Unis, l'imam va le suivre, et va, comme par
hasard, exercer dans la mosquée de Falls Church, où le terroriste Nawaf
al-Hazmi va se rendre.
La veille des
attaques du 11-Septembre, le 10 septembre, dans l'hôtel où les deux terroristes
passent leur dernière nuit sur terre, il y a aussi un des responsables du
culte saoudien, qui, au dernier moment, a réservé et s'est installé dans cet
hôtel, alors qu'il était dans un autre hôtel. Alors tout ça, c'est peut-être un
faisceau de coïncidences, mais ce sont des coïncidences très inquiétantes,
et qui font qu'au moins quelqu'un devrait s'y pencher de manière sérieuse
[...].
Il est certain que
tout autour de ces pirates de l'air, il y a beaucoup de complicités
saoudiennes. Alors, est-ce que ça veut dire qu'il y a une complicité directe ou
pas ? C'est très difficile à dire, et je veux surtout éviter de tirer des
conclusions trop hâtives, alors qu'on n'a pas encore tous les éléments entre
les mains. »
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« Des paroles et des actes », France 2, 12 avril 2012 |
En France, les
grands médias tarderont à se pencher sur ce dossier, dans une indifférence
déroutante. Le 12 avril 2012, lors du grand oral des candidats à l'élection
présidentielle, dans « Des paroles et des actes » sur France 2, le
sujet est abordé avec Jacques
Cheminade, mais les journalistes Nathalie Saint-Cricq, Fabien Namias
et David Pujadas ne semblent pas franchement intéressés. Saint-Cricq ira même
jusqu'à dire que ces informations sont déjà connues, qu'il n'y a rien de secret
dans cette affaire, que les États-Unis et Israël sont innocents (hors-sujet
complet, puisque son interlocuteur ne lui a parlé que de l'Arabie
saoudite) :
J.
Cheminade : Hormis en France où l'on ne fait pas de recherches de
façon rigoureuse, on sait que dans le rapport
Shelby, fait par des parlementaires américains, il y a 28 pages qui
n'ont jamais été rendues publiques sur le 11/9. Obama avait promis aux victimes
de les rendre publiques, il ne l'a jamais fait. [...]
Ce qui m'étonne le
plus, c'est que le prince Bandar, ambassadeur de l'Arabie saoudite aux
États-Unis, avait deux agents officiels qui ont entretenu certains des pirates
qui ont procédé à l'attentat. Chose curieuse quand même, l'Arabie saoudite a
toujours été mêlée à ces affaires là. Pourquoi on ne poursuit pas l'enquête sur
l'Arabie saoudite ? Pourquoi on ne va pas plus loin ?
N.
Saint-Cricq : Mais cela a été dit aux États-Unis, dans le rapport
Shelby. Les 28 pages dont vous parlez sont des pages qui ont effectivement été
classées secret défense, et dont les journalistes américains ont expliqué et
mis le point sur la relation entre l'Arabie saoudite et certains pirates de
l'air. Donc ce n'est plus un secret.
J.
Cheminade : On continue a avoir d'excellentes relations avec l'Arabie
Saoudite et même dans l'affaire de Syrie ce qui est un désastre.
N.
Saint-Cricq : Pour la
Syrie , c'est une autres histoire. Sur le 11/9, la presse
américaine a enquêté. Personne ne pense que les États-Unis et Israël ont
organisé le 11/9.
J.
Cheminade : Moi non plus.
Fabien Namias ira,
quant à lui, jusqu'à poser cette question ahurissante, face à un invité qui
n'avait jamais rien suggéré de tel : « La thèse de l'attentat,
"des avions dans les tours", reste donc encore à
démontrer ? » No comment.
![]() |
Bush Jr. et « Bandar Bush », Texas, 2002 |
Même type de
réaction chez Caroline Fourest face au même Cheminade dans son
documentaire Les Obsédés
du complot, diffusé le 5 février 2013 sur France 5. Alors que le
politicien évoque le prince Bandar, le possible ou probable agent du renseignement
saoudien Omar
al-Bayoumi et l'aide logistique et financière apportée à
plusieurs terroristes, la journaliste blasée rétorque :
« Qu'il y ait eu des mécènes de terroristes du 11-Septembre liés à
l'Arabie saoudite, non mais, ça c'est établi ! » Peut-être Caroline
Fourest, trop peu informée, n'avait-elle pas percuté sur les fonctions
éminentes de Bandar pour réagir de la sorte. On ne parle pas ici, en effet, du
financement d'obscurs mécènes anonymes... Une simple visite sur Wikipédia aurait
pu lui permettre de se renseigner un peu :
« Bandar [...]
est un membre de la famille royale saoudienne, fils de l'ancien prince
héritier Sultan. Ambassadeur
aux États-Unis de 1983 à 2005, il est secrétaire général du Conseil de Sécurité
National d'Arabie saoudite et, depuis juillet 2012, responsable des
services de renseignement, succédant au prince Miqrin ben Abdel, le demi-frère
du roi, avant d'en démissionner le 6 mars 2014. Bandar ben Sultan et ses proches
sont considérés avoir eu une influence décisive sur la politique étrangère
et sécuritaire de l'Arabie Saoudite pendant des décennies.
[...] Il a, lors de
ses missions aux États-Unis, établi des liens personnels avec George Bush
père puis Bush fils, ainsi qu'avec Dick Cheney. Il est
surnommé Bandar-Bush, pour ses liens avec le président des États-Unis.
Lors de la guerre
civile syrienne, il est un appui
important des extrémistes sunnites. »
« Bandar-Bush »
était d'ailleurs un fervent partisan d'une action militaire contre l'Irak en
2003, comme le rapporte le journaliste au Washinton Post David Ottaway dans
son livre The King's Messenger : Prince Bandar bin Sultan and
America's Tangled Relationship With Saudi Arabia (p. 258).
Selon Bob Woodward, en janvier 2003, il était informé des
plans de guerre américains avant même le secrétaire d'État de
l'époque, Colin Powell. Il apporta son soutien au projet de Dick Cheney,
l'ancien vice-président des États-Unis, pour un « Nouveau
Moyen-Orient », qui appelait à des « programmes
pro-démocratiques » tant en Syrie qu'en Iran.
Leurs guerres, nos
morts... Mieux : Notre indifférence, nos morts
En 2014, la presse
hexagonale commence à se réveiller tout doucement. Atlantico consacre
un article à l'affaire, de même qu'en 2015 Paris-Match, Mediapart, Le Figaro et L'Express.
C'est justement
dans Le Figaro que l'on peut lire Bob Graham retourner l'argument
officiel consistant à prétendre que la mise au secret des 28 pages est un enjeu
de sécurité nationale ; en réalité, c'est tout le contraire, et les attentats
de Paris en 2015 peuvent même être vus comme une conséquence de la réponse, ou
plutôt de l'absence de réponse apportée suite aux attentats du
11-Septembre :
« Publier est
important précisément pour notre sécurité nationale. Les Saoudiens savent ce
qu'ils ont fait, ils savent que nous savons. La vraie question est la manière
dont ils interprètent notre réponse. Pour moi, nous avons montré que quoi
qu'ils fassent, il y aurait impunité. Ils ont donc continué à
soutenir al-Qaida, puis plus récemment dans l'appui économique et
idéologique à l'État islamique. C'est notre refus de regarder en face la vérité
qui a créé la nouvelle vague d'extrémisme qui a frappé Paris. »
Graham, peut-être
faussement ingénu, oublie de préciser qu'Al Qaïda n'a pas été seulement soutenu
et utilisé par
l'Arabie saoudite (les États-Unis et le Pakistan, notamment, ne s'en sont pas
privés), de même que les jihadistes en
Syrie, dont Daech, n'ont pas reçu l'aide que d'un seul pays, même si
l'Arabie saoudite joue effectivement un rôle majeur, en particulier sur le plan
idéologique. D'ailleurs, le 11 décembre 2002, sur PBS,
il faisait lui-même allusion à plusieurs gouvernements étrangers impliqués dans
le 11-Septembre, sans que l'on puisse cependant être sûr de la précision de son
expression : « I was surprised at the evidence that there
were foreign governments involved in facilitating the activities of
at least some of the terrorists in the United States. »
Si l'on assiste
quelque peu au réveil de la presse française, celui-ci n'est certes pas encore
complet, comme en témoignent de grossières erreurs d'inattention dans des
articles parus ces derniers jours. Ainsi, Le Monde, RFI, France24, Les Échos, Métronews,
ou encore Géopolis (un
site de France Télévisions) affirment tous que les 28 pages classifiées sont
issues du rapport de la
Commission d'enquête (paru le 22 juillet 2004). Le
Monde évoque « une partie encore classée du rapport de la commission
d’enquête américaine sur le 11-Septembre. » RFI écrit pour sa part :
« Dans le rapport de la
Commission d'enquête américaine, 28 pages sont restée
confidentielles. » Quant à France24 : « Une partie encore
classée du rapport de la commission d’enquête américaine sur le 11-Septembre,
publié en 2003... » Les 28 pages émanent, en réalité, d'un rapport du
Congrès, achevé en décembre 2002 et publié le 24
juillet 2003, fruit du travail d'un panel regroupant les comités de
surveillance du Sénat et de la
Chambre des Représentants américains. Rien à voir avec le
rapport de la Commission
d'enquête.
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Rapport du Congrès (2003) Rapport de |
En outre, Les
Échos et Géopolis ne craignent pas de nous
« apprendre » que « le 11 Septembre est le seul attentat
terroriste à avoir été commis sur le sol américain »... oubliant fort
étonnamment l'attentat
contre le World Trade Center en 1993.
Le 11 septembre
2012, le Huffington
Post avait créé la surprise en publiant dans le désert
(médiatique) une tribune de Bob Graham, où il livrait quelques-unes des pièces
du puzzle :
« Agissant
souvent contre l'avis du FBI, la Congressional Joint Inquiry a permis d'en savoir
beaucoup sur un réseau de soutien basé à San Diego, en Californie. Là-bas, un
homme nommé Omar Al-Bayoumi, que le FBI avait identifié comme un agent
saoudien avant même le 11 septembre, a aidé directement les deux futurs pirates
de l'air Nawaf Al-Hazmi et Khalid Al Mihdhar. Ces deux citoyens
saoudiens, qui arrivèrent aux États-Unis à peine dix jours après avoir participé
à une réunion de terroristes, furent en première ligne de l'opération sur le
territoire américain. Bayoumi, un "employé fantôme", était soi-disant
payé par une entreprise saoudienne. Son salaire fictif fut multiplié par huit
une fois que les deux terroristes arrivèrent à San Diego. Bayoumi et sa famille
quittèrent le pays sept semaines avant le 11 septembre.
Le FBI cacha à la Congressional Inquiry ,
ainsi qu'à la Commission
sur le 11-Septembre qui lui succéda, le fait qu'il avait enquêté sur une autre
cellule de soutien pour les pirates de l'air à Sarasota, en Floride. Cette
information devint publique lors du dixième anniversaire des évènements l'an
dernier [...].
Dans le cas de
Sarasota, les enquêteurs de police soupçonnèrent plusieurs des terroristes, y
compris leur chef Mohamed Atta, d'avoir régulièrement rendu visite à un couple
saoudien, dans un quartier protégé de la banlieue. Selon des témoins de
l'époque, leurs visites étaient consignées, les plaques des véhicules qu'ils
utilisaient pour entrer dans la communauté étant automatiquement
photographiées. Le couple saoudien quitta brutalement sa demeure cossue
pour l'Arabie saoudite deux semaines avant le 11-Septembre. Le mari et le
beau-père étaient en effet apparemment sur une liste de surveillance du FBI,
tandis qu'une autre agence américaine chargée de pister les fonds terroristes
s'intéressait également aux deux hommes. »
En avril 2015, l 'ancien sénateur
racontera sur WhoWhatWhy avoir
été dissuadé de poursuivre ses investigations sur Sarasota par une personnalité
très haut placée au FBI. C'était, lui avait-on dit, une mauvaise piste...
L'attitude de ce
couple de Sarasota, quittant brutalement son domicile pour filer en Arabie
saoudite, n'est pas sans évoquer un autre épisode trouble du 11-Septembre,
celui des « Israéliens dansants ». Après l'arrestation de cinq jeunes
Israéliens à New York, le 11 septembre 2001, en raison de leur comportement
choquant face aux Tours en flammes, le FBI, qui les suspectera plus tard d'être
des agents du Mossad, était allé interroger le propriétaire de l'entreprise
pour laquelle ils travaillaient : Urban Moving. Revenant quelques jours
plus tard pour le réinterroger, les agents du FBI avaient trouvé les locaux
désertés, comme s'ils avaient été quittés à la hâte. On apprit que
l'homme, après avoir quitté aussi sa maison du New Jersey et l'avoir mis en
vente, était retourné avec sa famille en Israël.
Bush & Bandar
sur le balcon Truman : cigares fumés, enquêtes gelées
L'affaire des 28
pages a donc rebondi et pris de l'ampleur ces derniers jours du fait de
l'émission « 60 Minutes »,
diffusée le 10 avril sur CBS,
où l'on a pu entendre Bob Graham, véritable fer de lance dans le combat pour
leur déclassification depuis 13 ans, affirmer que les terroristes avaient été
« considérablement » soutenus par l'Arabie saoudite. Alors qu'on lui
demandait si l'aide provenait du gouvernement, de riches personnalités ou bien
d'organisations caritatives, Graham répondit : « Toutes ces
réponses. » Le gouvernement lui-même est donc clairement mis en
accusation.

Voici la traduction
d'une partie de son article :
« Les agents
chargés du dossier que j'ai pu interviewer aux Joint Terrorism Task Forces à
Washington et San Diego, la base opérationnelle avancée pour certains des
pirates de l'air saoudiens, aussi bien que les détectives du département de
police du comté de Fairfax, qui a aussi enquêté sur plusieurs pistes du
11-Septembre, disent que pratiquement chaque route ramenait à l'ambassade
saoudienne à Washington, aussi bien qu'au consultat saoudien à Los
Angeles.
Pourtant, maintes
fois, ils ont été dissuadés de poursuivre leurs enquêtes. Une excuse commune
était "l'immunité diplomatique."
Ces sources disent
que les pages manquantes du rapport d'enquête du Congrès sur le 11-Septembre —
qui comprennent la totalité du chapitre final traitant du "support
étranger pour les pirates de l'air du 11-Septembre" — détaille
les "preuves irréfutables" réunies à la fois par les
dossiers de la CIA
et du FBI de l'aide d'officiels saoudiens pour au moins deux des pirates de
l'air qui s'installèrent à San Diego. »
Paul Sperry évoque
notamment un transfert de 130 000 dollars en provenance du compte
familial courant de l'ambassadeur saoudien de l'époque, le Prince Bandar,
vers l'un des officiers
traitants des pirates de l'air à San Diego. Il poursuit :
« Un enquêteur
qui travaillait avec les Joint Terrorism Task Forces à Washington s'est plaint
qu'au lieu d'enquêter sur Bandar, le gouvernement américain le
protégeait — littéralement. [...] L'ancien agent du FBI John Guandolo, qui
a travaillé sur le 11-Septembre et des dossiers liés à Al Qaida [...] dit que
Bandar aurait dû être un suspect clé dans l'enquête du 11-Septembre.
"L'ambassadeur saoudien finança deux des pirates de l'air du 11/9 à
travers un tiers", dit Guandolo. “Il devrait être traité comme un suspect
terroriste, comme le devraient d'autres membres de l'élite saoudienne dont le
gouvernement américain sait qu'ils financent actuellement le jihad mondial.”
Mais Bandar a eu de
l'emprise sur le FBI.
![]() |
Dick Cheney, Prince Bandar, Condoleezza Rice, George W. Bush sur le balcon Truman de |
Après qu'il
rencontra le 13 septembre
2001 le président Bush à la Maison Blanche ,
où les deux vieux amis de famille partagèrent des cigares sur le balcon Truman, le FBI
retira des douzaines d'officiels saoudiens de nombreuses villes, notamment au
moins un membre de la famille d'Oussama Ben Laden, de la liste des terroristes.
[...] “Le FBI a été empêché d'interroger les Saoudiens qu'il voulait
interroger par la
Maison Blanche ”, dit un ancien agent du FBI Mark Rossini, qui
était engagé dans l'enquête sur Al Qaïda et les pirates de l'air. La Maison Blanche
"les a épargnés".
De plus, Rossini dit
qu'il fut dit au Bureau qu'aucune citation à comparaître ne pourrait être
utilisée pour produire des preuves reliant les Saoudiens en partance au 11/9.
Le FBI, à son tour, gela les enquêtes locales qui ramenaient aux
Saoudiens.
“Le FBI se boucha
les oreilles chaque fois que nous mentionnions les Saoudiens”, dit l'ancien
Lieutenant de police du comté de Fairfax County, Roger Kelly. “C'était trop
politique pour y toucher.” »
Sperry cite encore
le cas de John Lehman,
membre de la Commission
d'enquête, qui s'intéressait aux relations entre les pirates de l'air, Bandar,
sa femme et le bureau des affaires islamiques à l'ambassade. A chaque fois
qu'il essaya d'obtenir des informations à ce sujet, la Maison Blanche fit
obstruction.
Le rapport de la Commission d'enquête,
note Sperry, ne mentionne le nom de Bandar qu'en passant, dans des notes de bas
de page. Nous avions déjà noté en
2007 une telle discrétion concernant deux autres suspects importants :
« Le nom de Omar Saeed
Sheikh n'apparaît pas une fois [dans le rapport], celui
de Mahmoud Ahmad est
mentionné deux fois ». Au moment où Bandar fumait le cigare avec Bush Jr.,
le directeur de l'ISI terminait
sa visite
officielle à Washington, lors de laquelle il rencontra
longuement des officiels de la Maison-Blanche et du Pentagone. Longue de dix
jours (du 4 au 13 septembre 2001), cette visite aura néanmoins réussi à passer
inaperçue aux yeux de Condoleeza Rice, alors conseillère à la
sécurité nationale, selon un aveu peu crédible fait lors d'une conférence de
presse à la Maison
Blanche le 16 mai 2002. Même CNN, dans la retranscription qu'il
en fit, n'entendit pas, ou fit mine de... le nom que personne décidément
n'avait envie d'entendre.
![]() |
Rice & journaliste indien, 16 mai 2002 Transcription de CNN |
Pour conclure son
article, Sperry donne le dernier mot à Ali al-Ahmed, membre de
l'Institut pour les Affaires du Golfe, basé à Washington : « Nous
avons fait notre allié un régime qui a aidé à sponsoriser les attaques. Je veux
dire, regardons les choses en face. »
Le temps des
questions
Le soleil ni la mort
ne peuvent se regarder en face... La vérité non plus, semble-t-il. Car, en
dépit des articles qui se multiplient ces derniers jours, on reste stupéfait
par une absence. Une absence de questionnement élémentaire. Car si Graham dit
la vérité, si le gouvernement saoudien lui-même est impliqué, deux questions se
posent à tout esprit normalement constitué, du moins s'il n'est pas totalement
pétrifié par l'enjeu.
Premièrement :
pourquoi l'Arabie saoudite aurait-elle agi ainsi ? Quels auraient été ses
objectifs en permettant à Al Qaïda de frapper l'Amérique en plein coeur ?
Deuxièmement :
pourquoi, depuis plus de 13 ans, les gouvernements américains successifs
n'ont-ils pas sanctionné l'Arabie saoudite, si celle-ci est bel et bien
impliquée ? Pourquoi même l'auraient-ils protégée ?
Question
subsidiaire : quid de Bandar, à la fois ami intime des Bush et possible
financier des attentats ?
Le président George
W. Bush avait pourtant déclaré le
1er mai 2003 sur le pont d'envol du porte-avions Abraham Lincoln :
« Toute personne impliquée
dans la perpétration ou la planification des attaques terroristes contre le
peuple américain devient un ennemi de ce pays et une cible de la justice
américaine. Toute personne, organisation ou gouvernement qui
soutient, protège ou héberge des terroristes est complice du meurtre de
l'innocent et également coupable des crimes terroristes.
Tout régime hors-la-loi qui entretient des liens avec des groupes
terroristes et cherche ou possède des armes de destruction massive constitue un
grave danger pour le monde civilisé et sera affronté. »
13 ans plus tard,
officiellement pour des histoires de gros sous, de stabilité financière, on
renonce à toute poursuite en justice contre un État qui sponsorise le terrorisme,
sans même parler de lui faire la guerre, comme en a pourtant subi l'Irak,
faussement accusé de lien avec Al Qaïda. Souvenons-nous de la stratégie
alors employée, du lavage de cerveau pratiqué :
« Le
vice-président amércain, Dick Cheney, lance la rumeur. Mohammed Atta, chef du
commando du 11-Septembre, aurait rencontré un espion irakien à Prague,
peu avant les attentats qui ont frappé la ville de New York. Le président Bush
martèlera de nombreuses fois cette histoire pour justifier le renversement du
président irakien. [...]
Selon les sondages
publiés dans la semaine précédent la guerre, la moitié ou plus des Américains
croit que Saddam a été directement impliqué dans les attaques. Un sondage
effectué en septembre 2003, six mois après notre invasion de l'Irak, a révélé
que près de 70 % des Américains croyaient que Saddam
Hussein était personnellement impliqué dans les attentats
du 11-Septembre. »
Bizarrement, le fait
que deux des principaux pirates de l'air, Nawaf Al-Hazmi et Khalid Al Mihdhar,
aient, eux, réellement rencontré un espion saoudien à San Diego, et même qu'ils
aient logé chez un informateur du FBI, n'a pas provoqué le même effet. Mais
c'est normal : dans le premier cas, nous avons eu une stratégie bien
pensée au sommet de l'État et le relais enthousiaste de tous les médias
serviles ; dans le second cas, l'apathie des journalistes, le silence
médiatique, et toutes les Nathalie Saint-Cricq de la terre balayant d'un revers
de main une information pourtant capitale.
Aujourd'hui encore,
il est à remarquer qu'à l'exception de Direct Matin et
de France24,
aucun grand média français n'a rendu compte des propos de l'ancien sénateur de
Floride dans « 60 Minutes »...
Comme un chien avec
un os...
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Bob Graham, le regard tourné vers l’espoir |
Bob Graham a creusé
son sillon, inlassablement, sans en dire trop, sans s'étaler, sans se perdre
sur d'infinies pistes qui, parfois, ne mènent nulle part. Il en a choisi une,
celle qui lui paraissait la plus fermement étayée. Quoi de plus solide, en
effet, de plus irréprochable aux yeux du plus grand nombre, qu'un rapport
officiel émanant de représentants et de sénateurs ? Il n'a pas abordé
toutes les questions, bien sûr, mais précisément, en se concentrant sur l'angle
d'attaque le plus solide, et en tapant sans jamais faiblir, comme un forcené,
avec son ciseau à pierre, dans la faille la mieux formée de la muraille, c'est
lui qui est peut-être sur le point de faire sauter le couvercle, jusqu'ici
inamovible, de la vérité officielle, voulant qu'Al Qaïda ait agi seule, en
toute autonomie, avec ses « Dumb and
Dumber » et ses cutters. Si ce couvercle saute, c'est peut-être
la boîte de Pandore qui sera grande ouverte... Les autres questions ne pourront
plus être évitées.
Comme il
l'expliquait au New York
Times le 13 avril 2015, sa motivation est on ne peut plus
simple, elle tient en une seule question à affronter :
« Pour moi, la
question la plus simple, sans réponse, concernant le 11-Septembre, est
"est-ce que les pirates de l'air ont agi seuls ou étaient-ils assistés par
quelqu'un aux États-Unis ?" La position officielle du gouvernement
des États-Unis est qu'ils ont agi seuls. Ma motivation est d'essayer de
répondre à cette question. »
Une question qui
fait comme un écho à celle que pose Paul Thompson à
la fin du documentaire 9/11 : Press for Truth...
En 2014, Éric Laurent,
fatigué, était convaincu qu'on ne pourrait plus jamais parler du 11-Septembre
dans les grands médias, que tout était définitivement verrouillé. Bob Graham,
bientôt 80 printemps, est peut-être en train de lui donner tort. L'ancien
sénateur démocrate Tom Daschle dit de
lui : « Bob est plutôt calme, mais une fois qu'il est sur quelque
chose, il est comme un chien avec un os. » Nous non plus, ne lâchons pas
notre os. Et, sur les conseils de Bob, aboyons sans relâche sur nos chers
représentants !
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